11 janvier 2010

Extrait.

...'Ecrire un livre en silence, écrire le livre du silence, écrire des mots silencieux, se taire en écrivant, laisser le silence du vent quand on feuillette les pages blanches, écrire du vent. Ne plus écrire? Comment ne pas écrire que l’on n’écrit plus? Comment se taire de son silence. Tu sais, je me tais. Je viens te dire que je ne suis pas devant toi. Je viens en silence dans l’inutile, la complaisance dans le futile, j’estime et je pèse le poids d’un gramme de mot, du nombre de rond qu’il fera en surface, je postillonne ma verbe, j’abandonne un fil pour tresser des cordes, mais tout est fragile et vient me mordre, j’ai faim me dit-on de partout, les mots creusent le ventre et dépérissent la nature. La famine est pleine de dictionnaires. Mais c’est incroyable ce qu’on en prend plein la trogne, mais c’est pas ce qu’on avait prévu, on va pas pouvoir chier dessus, tout à coup les mots changent, ya comme un trou dans le texte, ya comme une gomme sur le nerf, la machine se disloque d’elle même et les mots se marrent de leur pathos, se laissent tomber d’eux même pour rigoler de combien ils étaient lourds, les mots se mettent même à manquer, ça devient du sport d’en trouver tellement qu’on est pas habitués à faire rimer des trucs en délice, qui ne soient pas précipice, actrice, supplice, caprice, factice, Alice, Alice. C’est que les mots sont déjà pleins d’entrain dans toutes les bouches, toutes les têtes pour déborder la vie, rattraper ce qui leur échappe car le bonheur est leur ennemi, jamais il ne se raconte, il se vit. Dès qu’on y pense c’est fini, les mots le tuent, les mots lui donnent un nom pour disparaître, noyé dans la foule des mots il rejoindra l’arène, comme les autres il faudra qu’il y tienne ses rennes mais c’est pas son genre, c’est pas sa vie, sa vie elle est partout sauf avec les mots. Il faudra donc tout balayer, tout enlever, les montagnes et la glace, laisser ramoner les glacier la campagne et les alentours, comme un tsunami givré tout défoncer en se chargeant de boue, de pierres et d’enfer, de tous les arbres encore debout, une avalanche de tout ce que l’on peut construire, en vrac, en mouvement d’une inertie inratable, il avance le paquet de merde, jusqu’aux flots, jusqu’à sa mère, jusqu’à la mer, pour tout lui rendre puisqu’on en sort, puisqu’on en vient, abandonnant nos poils pour s’en faire des favoris, des couettes pour se pendre, des tiges en fer dans un catogan de velours, le glacier tracera l’oubli, derrière lui personne ne reste pour s’en souvenir.'...
Mano Solo.

1 commentaire:

lucaerne a dit…

Juste magnifique hein ? Je me tais !